Dietrich Bonhoeffer par Gabriel Ringlet
Les Samedis du Prieuré 2016-2017
DIETRICH BONHOEFFER
par Gabriel Ringlet
Quelques dates
Dietrich Bonhoeffer est né en Allemagne en 1906 dans une famille protestante de tradition luthérienne.
Il est le 6e des 8 enfants de cette famille très ouverte et joyeuse.
Son père est professeur de psychiatrie à l’université.
Et lui, Dietrich, dès l’âge de 16 ans, veut devenir pasteur. Et il le deviendra après de brillantes études de théologie.
Il sera vicaire de paroisse.
Il sera président de séminaire.
Il sera professeur à l’université. En Allemagne mais aussi aux États-Unis.
Durant toute sa vie, vous l’entendez, il sera, et dans la réflexion et dans l’action.
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Il rentre en Allemagne en 39.
Il veut absolument être avec les siens et résister au régime nazi.
Il s’engage d’ailleurs dans des réseaux de résistance.
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Il sera arrêté le 5 avril 1943.
Et après deux ans d’emprisonnement, il sera pendu par les nazis dans le camp de concentration de Flossenbürg le 9 avril 1945.
Il a 39 ans.
Il est fiancé. Ce qui nous vaut de très belles lettres de fiancailles depuis sa cellule 92 à sa Maria bien-aimée.
J’ajoute qu’il est aussi poète et qu’il jette souvent de la poésie dans sa correspondance.
L’étonnant, c’est qu’en prison – sauf les derniers mois parce que les nazis découvrent qu’il est toujours en relation avec des réseaux de résistance – il va pouvoir garder des livres et poursuivre une importante réflexion théologique.
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Tous les témoignages concordent – y compris des témoignages nazis – pour dire qu’il a aussi beaucoup résisté intérieurement.
En prison, aucune haine envers ses gardiens, aucune résignation.
Ses seules armes : la prière et la parole de Dieu. Avec la conviction que son combat a un sens. Que c’est sa manière à lui de veiller avec le Christ à Gethsémani.
Si on en parle encore aujourd'hui...
... de ce grand théologien protestant allemand, c’est parce que sa théologie elle-même était une forme de résistance.
Il a toujours voulu résister, et par l’action et par la pensée.
Et aujourd’hui, 71 ans après sa disparition, on mesure que sa théologie est d’une exceptionnelle actualité, notamment parce qu’il est un des tout premiers théologiens, sinon le premier, à avoir voulu répondre à la question :
« Comment le Christ peut-il devenir le seigneur des non-religieux ? »
Dit autrement, pour lui, Jésus est un personnage fondamental pour les gens qui n’ont pas de religion.
Je vous lis sa lettre de prison datée du 30 avril 1944 (Moi j’ai 15 jours au moment où il écrit ça ! Mais il m’a influencé dès le fœtus...); C’est la lettre où il pose cette fameuse question :
Lettre du 30 avril 1944 :
Comment le Christ peut-il devenir le seigneur des non-religieux ?
La question de savoir ce qu’est le christianisme et qui est le Christ, pour nous aujourd’hui, me préoccupe constamment. Le temps où on pouvait tout dire aux hommes, par des paroles théologiques ou pieuses, est passé, comme le temps de l’intériorité et de la conscience, c’est-à-dire le temps de la religion en général. Nous allons au-devant d’une époque totalement irréligieuse ; tels qu’ils sont les hommes ne peuvent tout simplement plus être religieux ; ceux-là même qui se déclarent honnêtement religieux ne pratiquent nullement leur religion ; ils entendent donc probablement ce terme tout différemment. Toute notre révélation [prédication] et toute notre théologie chrétiennes, vieilles de dix-neuf cents ans, reposent sur l’“a priori religieux” des hommes. Le “christianisme” a toujours été une forme de la religion (peut-être la vraie). Si on découvre un jour que cet a priori n’existe pas, mais qu’il fut une forme d’expression de l’homme dépendante de l’histoire et périssable, si donc les hommes deviennent radicalement irréligieux – et je crois que c’est déjà plus ou moins le cas [...] –, que signifie alors cette situation pour le christianisme ? [...] Comment le Christ peut-il devenir [aussi] le Seigneur des irréligieux [non-religieux] ?
Dans son homélie qu’il envoie de sa prison pour le baptême de l’enfant d’un ami, il écrit :
Un jour viendra où des hommes seront appelés de nouveau à prononcer la Parole de Dieu de telle façon que le monde en sera transformé et renouvelé. Ce sera un langage nouveau, peut-être tout à fait non religieux [unreligiös], mais libérateur et rédempteur, comme celui du Christ ; les hommes en seront épouvantés et, néanmoins, vaincus par son pouvoir ; ce sera le langage d’une justice et d’une vérité nouvelles, qui annoncera la réconciliation de Dieu avec les hommes.
C’est quoi ce langage nouveau, non religieux ?
Nous devons parler de Dieu laïquement. Ce n’est pas au sens français de « laïcité » mais au sens de : langage du monde, langage de tous les jours.
La Bible parle de Dieu laïquement selon lui. C’est nous qui avons « religiosifié » !
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Je termine en vous lisant le fameux passage où il refuse qu’on appelle Dieu au secours, comme bouche-trou ou comme consolation quand ça va mal :
J’aimerais parler de Dieu, non aux limites, mais au centre, non dans la faiblesse, mais dans la force, non à propos de la mort et de la faute, mais dans la vie et la bonté de l’homme. Près des limites, il me semble préférable de se taire et de laisser irrésolu ce qui est sans solution [...]. Dieu est au centre de notre vie tout en étant au-delà.
Gabriel RINGLET
(15/10/2016)