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samedi 25 janvier 2025
Samedi 2 - Pascal Claude
© Benoît Bouchez

Samedi 2 - Pascal Claude

Né en 1983 dans le sud de la Belgique, ce gaumais a toujours été un passionné de radio. Il confie d’ailleurs à un quotidien de sa région natale qu’enfant il enregistrait déjà des émissions sur cassette à destination de sa mère pour qu’elle puisse les écouter quand il est à l’école. Oui, précise-t-il, « j’ai toujours voulu parler dans un micro ! » Une vocation qui commencera très tôt sur Must FM, la radio d’Habay-la-Neuve où il anime le Top 40. 

Après des études de journalisme à l’UCLouvain, Pascal Claude rejoint la RTBF en 2005, à l’âge de 22 ans. Et très vite, dès 2008, le voilà aux commandes de Matin Première. Il y est très apprécié par le public mais doit quitter l’émission deux ans plus tard pour cause de réorganisation de la tranche horaire 6h-9h. Les auditeurs en colère ne l’entendent pas de cette oreille et créent un groupe Facebook : « Rendez-nous Pascal Claude ! »

Qu’à cela ne tienne, Pascal s’accroche et anime des émissions comme Le grand Huit du Week-end, Connexions et Tout le monde y passe avant de lancer Dans quel monde on vit qui en est déjà à sa dixième saison. Chaque semaine, il y reçoit des personnalités du monde culturel (écrivains, comédiens, cinéastes, penseurs, scientifiques...) auxquelles il propose de raconter notre époque « à leur façon ». Sous-entendu, en s’éloignant des slogans et du vocabulaire aseptisé pour proposer une parole plus hésitante, plus tremblante et même, si possible, plus poétique.

Pascal Claude, c’est évidemment, aussi, Et dieu dans tout ça, une émission qui ne se veut ni philosophique ni religieuse mais qui interroge le sens de l’existence et tente, si possible, d’interroger le mystère.

Depuis la rentrée, il anime Le Monde en direct avec Julie Morelle, une toute nouvelle émission d’information sur ce qu’il se passe en Belgique et dans le monde.

Compte-rendu

Les promesses de l'écoute

Pascal Claude, le journaliste de la RTBF radio, est aux commandes de différentes émissions : Et dieu dans tout ça, Dans quel monde on vit et Le monde en direct. Il était le second invité des Samedis du Prieuré, et fut interviewé par Thierry Marchandise. L’animation musicale était assurée par les Muses et leurs musiciens. Ce fut l’occasion pour son ancien professeur, Gabriel Ringlet, de lui rendre un vibrant hommage : « Il fait partie de ceux qui ont dépassé le maître. »

Pascal Claude est né en Gaume un jour de Pâques, c’est ce qui explique qu’il porte ce prénom, et peut-être aussi qu’il adorait écouter, lorsqu’il était enfant, les récits de la résurrection. Mais il regrette que ces textes n’étaient jamais questionnés. Ce n’est que bien plus tard, qu’il va s’interroger sur le sens de ces récits.
Il se souvient qu’il ne s’était pas fait que des amis dans le clergé, lorsqu’au moment de sa profession de foi, il avait proposé de venir en pull orange et d’offrir le coût de location de l’aube blanche à une association. Cela avait provoqué un tollé…
À l’école gardienne, lorsqu’il avait dû écrire son nom pour la première fois, il l’avait orthographié « Clode ». Ses parents avaient été convoqués pour leur signifier que la suite de son parcours scolaire semblait compromise… Et pourtant, il poursuit de brillantes études. Il s’intéresse aux mathématiques, aux sciences et plus particulièrement à la chimie, mais son rêve est de parler dans un micro. Il rêvait d’une libre antenne où il pourrait écouter les gens raconter leur vie.

Se laisser déplacer par l’autre

Si l’actualité dans sa dimension polémique l’intéresse peu, il est frappé par la conscience des jeunes qui étaient descendus dans la rue, il y a quelques années, pour lutter contre la dégradation du climat, avec leur slogan : « On ne défend pas la nature, on est la nature qui se défend. »
Il n’aime pas être étiqueté comme journaliste littéraire, parce que les cases enferment et cloisonnent. Ce qui le passionne dans ses émissions, c’est la culture, la pensée, le questionnement de sens. Parmi les rencontres qui l’ont marqué, il y a Christian Bobin. Il ne l’a découvert qu’il y a une dizaine d’années, sans a priori. Il est immédiatement séduit par son écriture et par le personnage, qu’il rencontrera via les ondes et des échanges épistolaires, mais qu’il ne verra jamais en « chair et en os ». Il y avait chez lui une véritable écoute : « Je l’entendais réfléchir. Ses réponses n’étaient jamais toutes faites ni préparées. Il y avait beaucoup de silence dans les entretiens. »
Comme Pascal Claude est timide et perfectionniste, il est rarement satisfait de lui, au sortir d’une émission. Ce sont les autres qui lui renvoient une image positive. Il sait aussi qu’il est dans un format d’émission plutôt rare et exigeant. En radio, on considère qu’une interview longue ne doit pas dépasser sept minutes. Alors, vous imaginez une heure complète ! Pour préparer soigneusement ses interviews, il lit les livres avec attention, et même entre les lignes, pour repérer l’élément qui va créer la surprise, l’étonnement. Il prépare toujours de nombreuses questions, en sachant qu’il n’en posera que le tiers, mais il tente de trouver l’équilibre entre la ligne qu’il veut suivre et l’écoute de l’invité qui va le conduire parfois sur des chemins qu’il n’avait pas prévus : « Il faut se laisser déplacer par l’autre. »
Une fois l’émission terminée, il faut en sélectionner quelques éléments qui seront relayés sur les réseaux sociaux, avec un titre accrocheur et un contenu qui ouvre à la réflexion tout en donnant l’envie d’aller écouter l’émission. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont l’unique moyen de toucher toutes les générations, puisqu’on sait que la moyenne d’âge de ceux qui écoutent la radio est de 60 ans.
Les journalistes qu’il admire sont Laure Adler ou Jean-Pierre Jacqmin, ceux qui osent se mettre en danger et poser des questions auxquelles l’invité ne s’attend pas, ceux qui ont le goût de la question et des mots bien choisis.
Plus que jamais, à une époque où les politiques populistes ont le vent en poupe, les médias de service public doivent être le lieu où s’exerce et s’exprime l’esprit critique, clame-t-il.

« Je me loge dans la question »

Le christianisme est pour lui une histoire, parfois belle, et lorsqu’on lui demande ce qu’il pense de Dieu, il a cette belle réponse, qui résonne comme une définition de l’agnosticisme : « Je me loge dans la question. »
De ses cours de communication qui l’ont mené au journalisme, il a hérité du combat de Gabriel Ringlet : l’histoire et la narration sont fondamentales. Alors, pour ses émissions, il va puiser dans les fictions ce qui permet d’éclairer le monde d’aujourd’hui.
L’écoute est capitale dans son métier, une écoute ouverte et sans jugement a priori. 
De ses parents, qui l’ont très tôt éveillé à la responsabilité, « C’est pour toi que tu travailles ! », lui répétait-on, il a reçu aussi le goût d’écouter autre chose que les êtres humains, dans le contact avec la nature par exemple, lors de ses nombreuses marches.
Et quant à ceux qui dénoncent la stupidité de leurs adversaires, les ont-ils seulement assez écoutés ? se demande-t-il.

Evocation

Seigneur,

Au risque de me répéter, je t’invite à t’intéresser à notre royaume. Tu y découvriras de passionnantes personnes en venant au Prieuré ou, peut-être, en écoutant la radio.

Ce matin, nous accueillons un acteur de notre radio… nationale ! Pascal Claude, double prénom qui peut lui offrir le don d’ubiquité. 

Pascal, en vous entendant, je me posais une question : vous qui en posez tant, qui y pensez en vous promenant dans la nature avec votre bâton, appréciez-vous que l’on vous en pose ? Pas toujours, me semble-t-il, car vous savez élégamment botter en touche. 

Répondre, n’est-ce pas raconter une histoire, une fiction que l’on peut lier à l’actualité et au journalisme comme vous l’a enseigné et fait comprendre l’un de vos professeurs qui se félicite de voir l’élève dépasser le maître. Votre motivation, c’est la rencontre qui cherche à trouver, éveiller peut-être le monde intérieur de l’autre. Comme chacune et chacun d’entre nous, vous avez été profondément marqué par certaines d’entre elles. Citons Christian Bobin avec qui vous avez conversé à distance qui avait ce don, cet art d’écouter et vous comprendre au-travers de la question posée.

Après une rencontre, vous éprouviez souvent un regret, ne vous trouviez pas à la hauteur mais… avec un peu de recul, tout peut prendre une autre couleur pour vous le perfectionniste. S’il est vrai que vous n’aviez pas l’intention d’exercer ce métier, il vous apporte tant de choses que vous y croyez profondément. Certes, en animant vos émissions, vous êtes face à un terrible défi, attirer l’attention en quelques secondes et savoir qu’une émission ne devrait durer que 7 minutes. 

Pascal, seriez-vous un solitaire qui se ressource au-travers de la nature, solitaire qui sait entendre les oiseaux de votre Gaume natale, ces oiseaux que le chant étonne alors qu’il nous fait savoir leur désolation face à un monde étriqué qui demande à être reconsidéré. Solitaire ? Votre équipe n’émet aucune plainte à ce propos. 

D(d)ieu, le christianisme, vous avez pris votre temps pour vous poser des questions, vous étonner. Mais oui, c’est par le biais d’histoires que l’on peut répondre ou… se loger dans la question. Peut-on avoir des convictions si l’on doute ? Mais n’est-ce pas en doutant que l’on forge des convictions ? Et avoir des convictions n’ôte pas le doute. 

Dans vos rencontres, vous évoquez, abordez des situations dramatiques comme celle vécue par Christine Angot laquelle n’abandonne pas son combat depuis 25 ans face aux réactions d’une époque qui n’écoutait la voix ni des enfants ni des femmes. Nous pourrions évoquer bien d’autres de vos invités.

Pascal, vous proposez des émissions différentes en imposant un climat d’écoute très rare et vous efforcez de susciter l’étonnement en laissant dériver la conversation que vous suivez plutôt que le questionnaire établi.

Soyez-en remercié. 

Colophon:

Invité : Pascal Claude
Interview : Thierry Marchandise
Compte-rendu : Jean Bauwin
Évocation : Pierre Mogenet
Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé) http://www.pavesurle.net/ 
Animation musicale : Les Muses 
Photos : Patrick Verhaegen 
(25/01/2025)

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