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samedi 03 février 2024
de 10h à 14h30 (accueil à partir de 9h30)

Samedi 3 - Arnaud Ruyssen

Sur le Net, impossible de connaître sa date de naissance mais peu importe, Arnaud Ruyssen est diplômé en journalisme de l’UCLouvain. Il exerce son activité à la RTBF depuis 2004. 

Il a présenté le journal de 13h puis il a animé les informations du soir entre 2012 et 2021 dans les émissions « Soir Première » et « CQFD – Ce qui fait débat ». 

Ces dernières années, il a pu produire des podcasts consacrés à la crise de la démocratie, « Démocratie en question(s) », et à la crise écologique, « Déclic - Le tournant ». « Le tournant » compte déjà 40 épisodes et embarque pour une nouvelle saison à la rentrée de septembre. 

Arnaud Ruyssen est aussi maître de conférence invité à l’UCLouvain où il donne un séminaire sur l’actualité et un tout nouveau cours intitulé « Journalisme sur les questions environnementales ». 

Mais à quel choeur appartient-il ? 

Il pratique un journalisme qui soulève des questions de sens, un journalisme d’intelligence. 

Bien que prudent, il ne bêle pas avec le troupeau. Il pratique la rigueur, l’humilité, le travail fignolé et il est très conscient des enjeux sociétaux. Il a ainsi animé un débat autour d’un thème engagé : « La Belgique manque-t-elle à ses devoirs humanitaires ? ». 

Il est aussi un journaliste ouvert à la diversité, soucieux de rencontrer des mondes différents, sans polémique inutile et stérile mais toujours avec rigueur et exigence.


COMPTE-RENDU

Arnaud Ruyssen, un journaliste debout

Le journaliste Arnaud Ruyssen était l’invité de ce Samedi du Prieuré. Dans un monde où chacun se retrouve noyé par un chœur d’informations tonitruantes, la mission du journaliste est de commenter l’actualité depuis le parvis, avec le recul nécessaire à son décryptage. Interviewé par Thierry Marchandise, il a expliqué combien la compréhension de l’information est nécessaire à l’exercice de la citoyenneté. Les Muses et leurs musiciens ont enchanté la matinée de leurs chansons aux rythmes parfois endiablés.

S’il est né Saint-Vith, dans les cantons de l’Est, le jeune Arnaud Ruyssen grandit dans le petit village Lierneux, où l’on comptait tout au plus 40 maisons et 6 fermes. Il a trois petites sœurs et mesure la chance qu’il a eue d’avoir des parents qui ont tissé des liens familiaux très forts. C’est une base solide qui donne la force d’affronter les aléas de l’existence. 

Après des études secondaires à Saint-Remacle à Stavelot, il commence par étudier l’archéologie et l’histoire de l’art à UCLouvain, avant de bifurquer vers des études en journalisme. Il s’investit à fond dans des kots à projets et autres activités de socialisation. Après deux années d’assistanat à la Faculté de Communications, il est engagé à la RTBF. Il deviendra même, durant quelques années, président de la société des journalistes, un contre-pouvoir à l’intérieur des rédactions, une sorte de garde-fou pour éviter que des pressions venant des actionnaires ou du monde politique ne s’exercent sur les journalistes, et pour veiller à la qualité de l’information. Dans un modèle économique où l’info se doit être rentable, il faut s’assurer que l’on garde un haut niveau de qualité.

Donner des clés pour comprendre le monde

Dans toutes les émissions qu’il crée, et il a dans ses cartons encore beaucoup de projets, il cherche à déchiffrer les enjeux du monde, comme dans Déclic – Le tournant dont les podcasts sont écoutables sur Auvio. Il défend un journalisme qui prend le temps de décrypter l’actualité et de l’expliquer avec pédagogie aux auditeurs, parce que c’est la seule façon de préparer les citoyens à s’impliquer dans les débats de société, à comprendre ce qui se passe, pour habiter le monde autrement et trouver de nouveaux équilibres. « Si, on n’a pas les bonnes clés pour comprendre ce qui nous arrive, on aura du mal à s’investir collectivement dans un projet. » Face aux différentes crises que le monde traverse, à la complexité des niveaux de pouvoir dans notre pays, le journaliste doit être comme une boussole qui aide à s’y retrouver et à penser le monde. « Si on se donne la peine d’expliquer les choses simplement et en prenant le temps, on peut amener presque tout le monde à la compréhension de choses complexes. »

Il aime aussi aller à la rencontre de gens sur le terrain, là où se vit l’actualité du moment. Il veut faire entendre des « hommes debout » et leur donner la parole. Parce que le rôle d’un journaliste n’est pas seulement d’expliquer les décisions politiques, mais aussi de faire remonter ce qui se pense et se vit dans la population, de faire entendre la diversité des opinions et des expériences de vie.

Si on veut jouer notre rôle de citoyen, il faut offrir cela aux auditeurs. Pour préparer deux émissions sur les problèmes que rencontrent les agriculteurs en ce moment, il est allé en immersion plusieurs jours dans des fermes pour se rendre compte des difficultés et des tracasseries administratives qu’ils rencontrent au quotidien.

Piquer en douceur

Pour lui, un bon journaliste n’est pas nécessairement quelqu’un qui rentre dans le lard de ses invités. « On n’est pas obligé d’enfiler des gants de boxe. » Si on interviewe un invité, c’est d’abord pour écouter ce qu’il a à dire et ensuite le recadrer, le questionner, le piquer en douceur. La première qualité d’un intervieweur est l’écoute.

Malgré l’excès d’informations et les dérives des réseaux sociaux, il estime que nous avons de la chance de vivre dans un monde où l’information s’est démocratisée. Il existe de belles initiatives comme le magazine politique Wilfried, mais le revers de la médaille est que cette démocratisation de l’information a été capturée par des groupes (Meta, Google, TicToc, etc.) qui ont des objectifs commerciaux. Leur objectif n’est pas de diffuser de l’information de qualité, mais que l’utilisateur passe le plus de temps possible sur leur plateforme afin de générer un maximum de profit. Il faut pour cela générer des émotions, et la colère est une émotion qui fait réagir. Ce modèle économique se repait des sujets clivants et devient le lit du populisme. L’algorithme est en effet programmé pour générer de l’audience, pas de la qualité.

Le journalisme professionnel a encore un avenir s’il devient une boussole, une aide pour aider les citoyens à faire le tri entre le vrai et le faux, à saisir les enjeux du débat et leur donner des balises.

Il refuse aussi de pointer du doigt les politiques comme étant les seuls responsables des retards pris dans la lutte contre la crise climatique. Si les politiques ne bougent pas assez, c’est parce qu’il y a des réticences et des résistances dans la population. Il est très compliqué pour eux de prendre des décisions impopulaires. Il faut donc d’abord une prise de conscience des citoyens et qu’ils acceptent de changer de mode de vie, pour que les politiques puissent agir. Que celui qui a des oreilles entendent.

 

Jean BAUWIN

« C'est con qu'on n'ait qu'une vie. »

« Interviewer sans gants de boxe et...
piquer en douceur. »

Le journaliste, une boussole 
qui aide à s'y retrouver.


Lien vers la vidéo :

 

 

Interview : Thierry Marchandise 
Compte-rendu : Jean Bauwin 
      Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé) 
http://www.pavesurle.net/ 
Animation musicale : Les Muses 
Photos : Chantal Vervloedt-Borlée et 
Patrick Verhaegen 
(03/02/2024)