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Samedi Saint 2017 : Prolongement par Bouli Lanners

SAMEDI SAINT 2017 : PROLONGEMENT PAR BOULI LANNERS
 

LA RÉSISTANCE DU SAMEDI

Un Samedi Saint avec Bouli Lanners ou la résistance par la lumière

 

 « Les femmes au tombeau »

Une des caractéristiques de mes films, c’est qu’on y voit très peu de femmes. Très peu de personnages féminins. Et leur absence génère une souffrance.
Dans Ultranova, Dimitri crève d’amour pour Cathy mais il n’arrive pas à lui dire. Il est trop timide. Alors, il laisse courir des rumeurs pour qu’elle s’intéresse un peu à lui. En vain.
Dans Les géants, la mère est partie. Elle laisse là deux garçons en mal d’amour croiser le chemin d’un troisième. Tout aussi perdu. Et c’est la nature, la mère nature, qui va les accueillir. Pensent-ils.
Dans Eldorado, deux types errent, se reconstituent en famille le temps d’un aller-retour raté. En chemin ils ne croisent que des hommes. Des hommes paumés qui se prennent dans les bras. On ne sait pas trop pourquoi. Et puis un autre homme aussi, un homme étrange qui crie, « ça manque de femmes, ça manque de femmes ».
Oui, ça manque de femmes dans mes histoires et mes personnages en souffrent terriblement.
L’absence de femmes les abrutit, les fragilise et les propulse dans des formes d’errance sans fin. Et je raconte ces errances.

Jésus, lui, il était entouré de femmes.  De beaucoup de femmes. Luc nous dit au chapitre 8 : « Il y avait un certain nombre de femmes qui suivaient Jésus depuis la Galilée. » Elles ne sont pas douze, mais il énumère quelques femmes, qui forment une sorte de groupe probablement chargé d'annoncer l'Évangile au sein de la communauté des disciples.
Luc cite vingt-quatre rencontres de Jésus avec des femmes.

Des femmes en chair et en os ou des femmes fictives, des paraboles. Des femmes de tous âges, de toutes situations : des adolescentes,  comme la fille de Jaïre ou des vieilles femmes comme Élisabeth. Anne la prophétesse, la belle-mère de Pierre… Des jeunes filles dans la joyeuse attente d’une fête de mariage, d’heureuses épouses, des mères comblées ou des mères désolées (la veuve de Naïn). Des veuves (Anne), des célibataires comme peut-être Marthe et Marie, les sœurs de Lazare… Des prostituées, des femmes qui accouchent, qui balaient leurs maisons, qui bavardent avec leurs voisines ou qui pleurent sur le passage du Christ condamné.

Jésus a posé son regard sur chacune de ces femmes. Il est le premier rabbi de la tradition juive à employer des personnages féminins dans ses paraboles.

À une époque et dans un pays où le patriarcat dominait, Jésus avait une relation tout à fait extraordinaire avec les femmes. Pour Jésus, les femmes sont des hommes comme les autres.

Les disciples disent souvent qu'il "ose" s'entourer de femmes. Non, il n’ose pas, il aime s’entourer de femmes.

Et puis c’est normal de s’entourer de femmes, elles représentent quand même la moitié de l'humanité, c’est pas rien.

Voilà pourquoi il lui paraît naturel de s'adresser aux hommes comme aux femmes et de s'entourer de femmes, de les écouter et de tirer profit de leur parole. 

Si la femme est faite, comme l’homme, à l’image de Dieu, alors la vie de la femme a quelque chose à nous dire sur le mystère de Dieu. Jésus, par son attitude très égalitaire, nous révèle le dessein d’amour de Dieu sur la femme tout autant que sur l’homme.

Alors c’est quand même étrange que la présence des femmes, si présentes dans la vie de Jésus, ait été si peu remarquée depuis deux mille ans. Ou alors mal remarquée.

Marc dit : « Elles sortirent et s'enfuirent du tombeau parce qu'elles étaient toutes tremblantes et hors d'elles-mêmes. Et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur. »

Voilà, ça se termine de manière un peu abrupte. Les femmes avaient peur.
Les femmes avaient peut-être peur, oui, mais les hommes ?

Et bien les hommes, eux, ils ont eu peur bien avant les femmes. Ils ont fui. Ils se sont tous éparpillés et se barricadent de peur que les Romains ne les trouvent et ne les mettent sur une croix.
Aucune des femmes que Jésus a rencontrées ne l'a renié ni abandonné, elles ont toutes entendu l'annonce évangélique.

Pendant que les hommes se cachent, les femmes, elles, préparent des épices pour embaumer le corps de Jésus et l’ensevelir dignement.
Et ce sont les femmes qui vont porter le message aux disciples.

Nous ne saurions pas grand choses de ces femmes qui ont dû peu compter aux yeux de leurs collègues masculins si, par un de ces retournements digne d’un bon scénario, ces femmes, fidèles à Jésus jusqu’à la croix et à l’ensevelissement, n’allaient être les premières informées de la Résurrection.

Alors ce samedi de pâques, rendons grâce aux femmes.
Rendons grâce à celles sans qui, mes personnages, tout comme moi, se sentent tellement vulnérables.
Rendons grâce aux femmes qui n’ont toujours pas trouvé leur juste place dans la société.
Rendons grâce aux femmes sans qui rien n’est possible.

 

 Bouli LANNERS
(15/04/2017)

Photographies : Geneviève Bricoult

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