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Samedi du Prieuré : Adrien Joveneau (30/05/15)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Adrien Joveneau : Le monde au bout de la voix

 

Depuis trente ans, Adrien Joveneau, l’homme à la voix qui sourit, emmène ses auditeurs sur les plus beaux Ravels de Belgique et sur les traces de Belges expatriés. Au Prieuré, il a eu l’impression de retrouver des « amis du bout des ondes », des amis à qui il s’est confié en toute sincérité, avec le naturel et la générosité qui le caractérisent.

Adrien Joveneau est né un 6 janvier, jour de la « galette des rois », et il a le sentiment d’être souvent tombé sur la fève. C’est peut-être pourquoi il sourit autant à la vie. Lorsqu’il était étudiant à l'IHECS (Institut des Hautes Études en Communication Sociale), il faisait de la radio libre et son rêve était de pouvoir vivre de cette passion. La vie lui fait donc un beau cadeau quand il est engagé à la radio belge. Il y fait des remplacements, il se rend disponible en tout temps, jusqu’à ce qu’on lui donne sa chance : une émission à lui. Très vite, il veut sortir du studio, aller à la rencontre des gens sur le terrain et les faire parler de là où ils travaillent.
Dès le départ – et ça l’est resté – son métier est de mettre en évidence les autres. « On est tous les héros de notre vie, dit-il, et j’essaie d’aller chercher la lumière qu’il y a chez chacun et en particulier chez ceux qui ne sont jamais médiatisés. Il y a tellement de gens humbles qui font des choses positives et qui construisent leur vie, que ce soit au bout de la rue ou au bout du monde. » Au cri de l’arbre qui tombe, il préfère le murmure de la forêt qui pousse, et au contact des gens qu’il rencontre, son âme change, s’élargit.
« L’action est ma rédemption », ajoute-t-il. Parce qu’il a besoin de bouger et d’agir, l’animateur radio aime partager. « Faire le bien, ça fait du bien. C’est peut-être un reste de mon éducation scout, dit-il en souriant. On reçoit et on redonne, la vie est un échange, le don est une forme de gratitude et de reconnaissance. L’essentiel est dans la relation à l’autre, quel qu’il soit. » C’est pourquoi ses émissions mettent en relation des Belges partis au bout du monde avec d’autres nouveaux belges venus du bout du monde. Il aime jeter des ponts, faire travailler ensemble de jeunes journalistes wallons et flamands, ou bien des journalistes de générations différentes, parce que ce sont les différences qui enrichissent.
Il aime aussi tendre son micro à ceux qui peuvent dénoncer l’intolérable, comme avec la chanteuse Khadja Nin, revenue du Burundi tout récemment, et qui s’insurge contre ce qui se passe là-bas. Il a l’impression alors de faire œuvre utile. Lorsqu’il donne la possibilité à un jeune désœuvré de s’investir aux côtés de Maggy Barankitse au Burundi, et d’y trouver sa voie et son épanouissement ; lorsqu’il donne l’envie à des Belges de partir vers un ailleurs pour réaliser leur rêve ou leur projet, alors il trouve un sens à ce qu’il fait.


Des héros qui réinventent le quotidien

Avec son émission Les Belges du bout du monde, Adrien a rencontré 3 000 personnes. C’est peu au regard des 600 000 Belges expatriés. Mais il se souvient avec émotion de beaucoup d’entre eux et en particulier d’un employé à la Société Wallonne des Eaux qui, arrivé à la retraite, se voue à sa passion pour l’apiculture. Sur un marché où il vend son miel, il rencontre une institutrice équatorienne. Par la magie de l’amour, il la suit, sans même parler la langue, et aujourd’hui, il a créé là-bas des ruchers alternatifs et en a installé un dans une école. C’est un de ces « sages » que la vie lui a donné de rencontrer.
Ces gens qu’il interviewe pour son émission réinventent le quotidien, montrent que tout est possible et élargissent l’horizon. Il y a ceux qui sont partis pour construire un monde meilleur et qui travaillent dans l’humanitaire ou la coopération. Il y a ceux qui font du business, créent de l’emploi et des entreprises. Il a ceux qui sont partis par amour, ceux qui sont partis offrir leurs compétences ailleurs et puis – les plus chers à son cœur – ceux qui vont au bout de leur rêve. Parmi ces derniers, il y a Robert qui a rénové un phare à Clare Island, au large de l’Irlande, et qui en a fait une maison d’hôtes. C’est un des plus beaux endroits au monde qu’Adrien ait pu voir.
Tous ces héros du quotidien ont quitté la Belgique de leur plein gré. Dans son émission, il raconte comment ils ont réussi leur vie, après souvent bien des épreuves. Mais comment ne pas penser aux 600 000 immigrés qui s’expatrient pour venir en Belgique, chassés de chez eux par la famine, la persécution ou la guerre ? Aussi, chaque fois qu’il le peut, il met en évidence ces étrangers qui enrichissent notre pays de leurs différences et par leur travail.
Adrien Joveneau est un optimiste. Il pense qu’aujourd’hui, nous sommes intoxiqués par les pensées négatives, mais il croit en l’innovation. L’homme a en lui les solutions pour demain, et il pense à Bertrand Picard par exemple. Et si l’on peut s’inquiéter pour l’avenir, il n’y a pas lieu d’en désespérer.


Du bout de soi-même

Adrien Joveneau ne pratique plus la religion, mais il aime cultiver son jardin intérieur. Il ne renie rien des valeurs que son éducation catholique lui a inculquées. Il se souvient que, dans les années 70, il se retrouvait bien dans la théologie de Dom Helder Camara. Il s’était d’ailleurs engagé dans des mouvements associatifs. Aujourd’hui, il ne fréquente plus beaucoup les églises, mais il ne raterait pour rien au monde la semaine sainte en Grèce, où il se rend chaque année depuis 20 ans. Il y trouve là une ferveur incroyable, une vie et une animation qui le transportent.
« Quand on ne peut pas croire, il suffit d’admirer », écrivait Patrick Cloux. Adrien aime donc se donner le temps de contempler le monde, parce que la beauté apaise. Et cette paix, il la trouve aussi dans une petite chapelle grecque isolée à 600 m d’altitude. C’est là que chaque année, il se donne rendez-vous avec lui-même et avec ses proches disparus. Il a d’ailleurs fait sienne cette phrase de Jean d’Ormesson : « Il y a quelque chose de plus fort que la mort, c'est la présence des absents, dans la mémoire des vivants. »
« Il est bon de sortir de sa zone de confort, explique-t-il, d’aller là où on n’a pas l’habitude d’aller. Il faut se dépasser, aller au bout de soi, c’est alors qu’on est meilleur, on va chercher au fond de soi ce qu’il y a de plus fort. » En venant au Prieuré, il n’y a pas de doute, Adrien est sorti de sa zone de confort et a donné le meilleur de lui-même.

Jean BAUWIN
(30/05/2015)

 

 

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