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Samedi du Prieuré : Jodie Devos (18/10/14)

SAMEDI DU PRIEURÉ : ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Jodie Devos : Chanter de tout son corps

 

Jodie Devos est une jeune chanteuse lyrique belge, âgée d’à peine 26 ans. La pertinence et la maturité de son regard sur la vie ont impressionné le public, venu en nombre pour ce premier samedi du Prieuré. Le Concours Reine Elisabeth, où elle a remporté le deuxième prix, ne fut pas seulement pour elle l’aboutissement d’un long et difficile travail, il est surtout le point de départ d’un nouvel envol.

Jodie Devos découvre le chant choral à l’âge de cinq ans, lors de la « Semaine chantante » de Neufchâteau. Elle y interprète ses premiers solos et la passion pour le chant ne la quittera plus. Depuis l’âge de 11 ans, elle veut faire carrière dans la chanson. Et comme sa culture musicale était plutôt pop-rock à ce moment-là, elle se rêvait plutôt en Céline Dion. Elle était déjà convaincue qu’il lui faudrait travailler sa voix pour atteindre le niveau auquel elle aspire. C’est pourquoi elle impose à ses parents son choix d’orienter ses études vers le chant et les arts de l’expression. C’est au Collège Saint-Joseph à Ciney d’abord, à l’IMEP ensuite, l’Institut de Musique et de Pédagogie de Namur, qu’elle parfait sa formation.


Trouver sa voix

Avec son professeur de chant, elle découvre très vite, presque naturellement, sa voix d’opéra, cette voix si particulière qui ne vient pas de la gorge, mais du corps. Elle adore les sensations que lui donne le chant lyrique et elle décide de suivre cette voie-là. Au sortir de l’IMEP, elle se dit qu’elle pourrait tenter le Concours Reine Elisabeth. Après deux ans à la Royal Academy of Music de Londres, où elle travaille beaucoup sa technique, elle se sent prête à affronter l’épreuve. Ce concours qui amène les participants à se dépasser, offre ensuite de réelles opportunités. Il s’est déroulé dans une bonne ambiance, ce qui n’est pas toujours le cas. Plutôt que la concurrence, elle y découvre la connivence, l’admiration réciproque et l’échange de conseils professionnels. Elle y décrochera le deuxième prix et le prix du public Musiq 3. L’envol précoce de cette carrière n’aurait pas été possible sans un entourage bienveillant qui l’a soutenue et encouragée. « Les gens qui nous entourent sont très importants pour pouvoir tenir le coup », dit-elle et elle a conscience que ce sera de plus en plus vrai dans sa carrière future. Car si elle n’est encore qu’au début de sa vie professionnelle, elle sait déjà que son métier isole. On est souvent loin de chez soi et des siens. Une vie de couple et de famille ne s’improvise pas dans ce métier-là, elle amène à des sacrifices inévitables.


Apprendre l’humilité

Depuis toujours, ses parents la traitent de comédienne. Ce talent-là se sent aussi dans ses interprétations sur scène. La technique de l’art lyrique permet de projeter la voix avec une puissance que n’ont pas les autres chanteurs, le corps fait caisse de résonance. On chante donc avec tout son corps, avec son visage et on emmène le public avec le regard, le texte et la musique. C’est tout le corps qui transmet les émotions du chant. C’est pourquoi le chanteur doit avoir une bonne hygiène de vie, il faut être en forme et avoir du tonus. La voix a besoin de tout le corps. Quand on chante Mozart, il faut un contrôle total sur son corps et sa respiration.
Mais la voix est un organe fragile dont il faut prendre soin. Jodie Devos sait qu’elle ne peut pas tout chanter. Elle sait qu’elle ne pourra jamais chanter Madame Butterfly de Puccini si ce n’est dans sa douche. Sa voix n’est pas faite pour ce rôle. L’art lyrique est donc aussi un art qui apprend l’humilité. Sa voix de Soprano colorature, une voix qui peut aller loin dans les aigus et maîtriser des vocalises rapides, est parfaite pour chanter Mozart, mais pas Wagner par exemple. Et pour prendre soin de sa voix, rien de tel que le sommeil. Heureusement, Jodie adore dormir…
Elle est aussi fascinée par le jazz qu’elle chante accompagnée de son fiancé à la guitare, mais les milieux puristes voient encore d’un mauvais œil ce mélange des genres. Certains choix pourraient se révéler désastreux pour sa carrière en termes de crédibilité. Les mentalités doivent encore évoluer.


Former des citoyens

Plutôt que de sa foi en Dieu, Jodie Devos préfère parler de sa foi en l’homme, même s’il se révèle parfois décevant. Elle croit en la musique qui la fait vibrer et qui la dépasse. Elle croit au pouvoir universel de la musique qui peut faire sentir aux gens ce qu’est le bonheur.
Jodie Devos s’inquiète de voir le désintérêt des jeunes pour la musique classique. Il y là une richesse séculaire qui est menacée de disparition. Elle reste persuadée que l’école doit en faire plus pour donner le goût de cette musique. Si on diffusait de temps en temps dans les crèches ou dans les écoles maternelles, de la musique classique, on habituerait l’oreille des jeunes à cette musique et on leur en donnerait le goût. Toutes les initiatives qui amènent les jeunes vers cette musique sont bonnes à prendre, parce que la musique fait du bien et aide les gens à faire le bien. La musique peut aider à trouver son propre moi, à apprendre le respect des autres et de soi. Un professeur d’histoire lui disait : « Vous formez des musiciens, moi je forme des citoyens. » Une phrase qui fait bondir Jodie Devos, parce qu’en enseignant la musique, on forme aussi des citoyens.
Dans la culture anglo-saxonne la musique occupe plus de place à l’école, mais dans notre société, les programmes vont dans un sens de plus en plus utilitaire et on ne voit pas l’intérêt économique de la musique.
Son professeur de chant lui a rendu enfin un bel hommage. Son métier, nous dit-elle, est de rendre l’autre le meilleur possible. « On travaille sur une personne, sur son talent. Quelle chance quand le verger que l’on a entretenu et fertilisé, donne des fruits plus beaux et plus grands que soi. » De son professeur, Jodie apprend aussi que : « Personne ne pourra jamais être mieux toi-même que toi ».

Jean BAUWIN
(18/10/2014)

 

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