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Mon Concile Vatican II

Lorsque le pape Jean XXIII ouvre le Concile Vatican II, le 11 octobre 1962, je suis en rhétorique au collège Ste Croix de Hannut.

Avec recul, et même si les chemins d’une vocation sont pluriels, je suis convaincu que l’évènement conciliaire n’est pas pour rien dans mon entrée au séminaire.            

D’autres influences ont joué, évidemment : des parents ouverts, des enseignants qui nous faisaient confiance et encourageaient nos responsabilités. Encore fallait-il qu’au-delà d’un attrait pour l’Évangile, l’Église aussi présente un visage accueillant. J’ose dire que grâce à la bonhommie et à l’exceptionnelle ouverture du bon pape Jean (il avait alors 77 ans), j’ai posé ce pas en direction d’une Église que le Concile nous rendait audacieuse et sympathique.

VATICAN II… CHEZ LES SOCIALISTES

Quelques années plus tard, en janvier 1971 – je suis prêtre depuis six mois – j’entre comme chroniqueur religieux au quotidien socialiste liégeois La Wallonie. Quand on demande aux responsables du journal syndical la raison de cette invitation à commenter l’actualité de l’Église (ce que le quotidien n’avait jamais fait), la réponse est toute simple : le Concile ! Mais oui ! Ça paraît à peine croyable aujourd’hui. Et c’est vrai. Vatican II est terminé depuis 5 ans mais le Concile ne fait que commencer. Et il bouleverse, bien au-delà des sphères ecclésiales. Le rédacteur en chef de La Wallonie me dira son admiration pour une institution capable d’une telle remise en question. « Par simple honnêteté journalistique, me confiera-t-il, cela va de soi que nous devons raconter à nos lecteurs ce qui se passe dans cette Église ». Et pour mettre directement l’œcuménisme de Vatican II en pratique, nous commenterons cette actualité à deux, un pasteur protestant et moi-même… dans le journal de la FGTB liégeoise !

Je n’évoque cette expérience personnelle que pour témoigner d’une chose : dans la foulée de Vatican II, et pendant vingt ans, l’Église catholique a osé penser, inventer, débattre, dans un grand souci de dialogue avec le monde et avec une réelle attention aux diverses convictions philosophiques et religieuses. Et même quand la curie romaine faisait pression sur le pape Paul VI pour qu’il fasse marche-arrière, comme ce fut le cas par exemple avec l’encyclique Humanae vitae en juillet 1968, des évêques, dans le monde entier, ont fait entendre leur désaccord, et, en particulier, les évêques belges autour du cardinal Suenens.

VATICAN III… À LA BASE

Mais aujourd’hui, cinquante ans après Vatican II ? « Ce concile est dépassé ! » estime Marcel Gauchet pour qui « il faut un Vatican III qui refasse un aggiornamento de même ampleur… » Le philosophe français estime qu’actuellement, en matière d’éthique en particulier, le décalage entre l’Église et la société est immense, parce que l’Église n’a pas osé repenser « le statut de la liberté des personnes ». C’est pour lui « un problème doctrinal essentiel qui nécessiterait une révision très profonde ».

Oui mais… qui siégerait à Vatican III ?

Une majorité des évêques de Vatican II sont venus à Rome dans un souci d’ouverture, accompagnés par des théologiens qui les encourageaient en ce sens. Ceux de Louvain en particulier ! Qu’en serait-il aujourd’hui, après les vingt ans de « nominations identitaires » de Jean-Paul II, comme dit le théologien Hans Küng ?

Ma modeste réponse serait plutôt qu’il faut faire Vatican III à la base avant de le convoquer au sommet. Avec le Père Armand Veilleux, je suis convaincu qu’un avenir d’ouverture et un nouveau dialogue avec le monde passe par un tissu de petites communautés très diverses qui en reviennent prioritairement à l’Évangile, celui des Béatitudes et du Lavement des pieds en particulier. Des petites communautés capables de vivre « un christianisme du courage » comme le dit un autre contemplatif, François Cassingena, « un christianisme de l’intériorité et de la tendresse (…) libre et critique, y compris à l’égard de lui-même ».

Ce christianisme-là, si vraiment il s’enracine, alors oui, il pourra convoquer un Vatican III !

Gabriel Ringlet
(octobre 2012)