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Samedi du Prieuré : Pierre Soete (03/02/18)

ÉCHOS DE LA RENCONTRE

Pierre Soete : Un médecin de montagne qui ne manque pas de souffle

 

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« Il ne changera pas le monde mais ce qu'il peut faire, il le fait. Ce n'est rien et c'est beaucoup. »

 

 

Pierre Soete était au Prieuré ce samedi 3 février 2018.

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Pierre Soete, chirurgien orthopédiste belge, a mis en place un hôpital mobile au Népal. Avec sa petite équipe, il emmène le matériel jusqu’en haute montagne, où il remet les gens debout.

Pierre Soete est né à Leuven où il a fait toutes ses études. Il a baigné, dès son plus jeune âge, dans le milieu universitaire puisque son papa était médecin et professeur. Dans la famille de sa maman, il est marqué par une médecin chirurgienne qui avait monté son propre hôpital au milieu du Congo.

Durant les vacances familiales dans le Valais suisse, il attrape le virus de la montagne qui ne le quittera plus. Les sommets l’attirent irrésistiblement. À l’âge de 16 ans, il participe à des camps de jeunes en haute montagne organisés par les chanoines du Grand-Saint-Bernard. C’est là qu’il rencontre Bernard Gabioud, encore séminariste à l’époque avant d’être le prieur du Grand-Saint-Bernard pendant 25 ans. C’est un homme qui écoute, ne juge jamais et accueille tout le monde de la même manière. C’est un homme qui rayonne et qui continue à l’éclairer sur son chemin aujourd’hui. Avec ces chanoines, il apprend que l’effort nécessaire et les difficultés rencontrées en haute montagne ouvrent l’esprit et le cœur. Chacun est invité à regarder autre chose que lui-même.

Après 25 ans de chirurgie orthopédique dans un hôpital de Mons, Pierre Soete décide de tout abandonner. « Pourquoi ceux qui sont à l’autre bout de la planète n’aurait-il pas accès eux aussi aux soins les plus élémentaires ? » Un de ses anciens professeurs le met en contact avec un orthopédiste népalais qui voulait construire un hôpital à Katmandou. Il va sur place, découvre que, là-bas, c’est le désert orthopédique, il étudie le projet et décide de s’y investir à fond. En 2000, il commence une nouvelle vie, partagée entre la Belgique et le Népal. Durant 10 ans, bénévolement, il opère, met ses compétences au service de la population. Il veut former d’autres médecins pour que cet hôpital puisse perdurer dans le temps. Mais il s’agit aussi de le rendre financièrement autonome, c’est pourquoi il s’adapte à la situation du pays. Le Népal est un pays corrompu. Ceux qui ont de l’argent vont souvent se faire soigner à l’étranger. Si on pouvait les attirer dans cet hôpital, ce pourrait être une source de revenus suffisante pour financer les soins accordés aux plus pauvres. Il crée donc un étage privé qui accueillera les plus riches. Ce système permet à l’hôpital de tenir debout et de fonctionner sans aide étrangère.

 

« Un hôpital en sac à dos de 720 kg. »

Un hôpital en sac à dos

En 2008, il se lance dans un nouveau projet : un hôpital mobile pour aller dans les zones les plus reculées du pays. Les besoins sont énormes. Il se souvient d’un blessé qui était arrivé à son camp in extremis, porté depuis six jours par quatre équipes qui se relayaient. Le concept de cet hôpital est nouveau et tout est à inventer. L’ennemi en montagne, c’est le poids. Au début, l’hôpital en sac à dos pesait une tonne et demi. Aujourd’hui, il ne pèse plus que 720 kilos. Durant un camp qui dure cinq jours, il opère en moyenne 90 patients. Les rythme est intense, mais la demande est énorme. L’équipe se compose de 8 personnes, des médecins, infirmières et hommes à tout faire, tous népalais. Ils sont rétribués à la mesure de leur travail. Pierre Soete est le seul blanc et le seul bénévole. Son salaire : le sourire d’une mère qui retrouve un enfant valide, la satisfaction d’ouvrir des perspectives d’avenir à un jeune et à sa famille, et rendre la joie de vivre. Rendre quelqu’un heureux, le remettre debout et en marche, c’est ça qui lui donne du souffle et l’envie de continuer.

Il installe ses camps dans des écoles, des centres de santé ou des hôpitaux de district, là où un suivi médical pourra être assuré après son départ. En deux heures, l’équipe nettoie le lieu, le rend

«Marcher, méditer, la nature... Sa façon à lui de prier. Bach lui donne des ailes. »

étanche aux insectes, installe le matériel pour le rendre opérationnel. Avec ses dix ans d’expérience, l’équipe a gagné en efficacité. L’hôpital ne fonctionne encore que grâce aux dons, mais il espère que certains projets qu’il mène en parallèle pourront financer les camps futurs et surtout que le nouveau ministre de la santé soutiendra ce modèle d’hôpital, qui se révèle finalement moins onéreux que s’il fallait acheminer les patients vers les hôpitaux des villes.

En avril 2015, la nuit après le tremblement de terre qui fait 9000 morts au Népal, il écrit une lettre dans l’émotion et la diffuse auprès de tous ses contacts. Les dons affluent et lui permettent de retourner sur place pour mener des actions efficaces. Par rapport aux ONG traditionnelles, il a l’avantage de connaître le terrain et d’aller plus loin dans les zones reculées.

 

 La force du roc

« Ce soir, regarde-toi dans le miroir. C'est cela le bouddhisme.»

À Katmandou, il habite un quartier où beaucoup de bouddhistes tibétains ont trouvé refuge. Il y côtoie Matthieu Ricard et lui demande un jour de lui explique scientifiquement ce qu’est le bouddhisme. Celui-ci lui répond : « Tu connais un peu la peu la physique optique ? Ce soir regarde-toi dans le miroir. C’est cela le bouddhisme ». Il aime marcher et méditer, c’est peut-être sa façon à lui de prier, dans cette contemplation de la nature qui lui donne de l’énergie. La musique de Bach, qu’il écoute parfois durant ses balades, lui donne des ailes…

Son bonheur est dans l’action. Il a la force du roc. Ce n’est pas pour rien qu’on le surnomme Dounga (le roc, la pierre). Pierre Soete sait qu’il ne changera pas le monde à lui tout seul, mais ce qu’il peut faire, il le fait. Ce n’est rien et c’est beaucoup.

 

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Interview : Bernard Balteau

Texte : Jean Bauwin

Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé)
http://www.pavesurle.net/

Photos : Chantal Vervloedt-Borlée

(03/02/2018)

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