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Samedi 4 - Esméralda de Belgique

  • Date: 2024-05-25 16:13
  • Heure: de 10h à 14h30 (accueil à partir de 9h30)

Fille cadette du roi Léopold III, et de sa seconde épouse, la princesse Lilian, Esméralda de Belgique est journaliste, écrivain et co-réalisatrice de documentaires en lien avec des thèmes historiques ou environnementaux. 

Elle est également une militante écologiste et une militante des droits des femmes et des peuples autochtones. 

Épouse d’un scientifique britannique d’origine hondurienne, Sir Salvador Moncada, elle a deux enfants, Alexandra (née en 1998) et Léopoldo (né en 2001). Tous les quatre vivent à Londres 

Après avoir travaillé pour divers magazines français, italiens, allemands et espagnols, Esméralda a écrit plusieurs livres consacrés à son père, à sa mère, à ses grands-parents mais aussi aux femmes lauréates du Prix Nobel de la paix. 

En 2021, elle s’associe avec Sandrine Dixson-Declève, Adélaïde Charlier et Anuna De Wever pour écrire Quel monde pour demain ? Livre engagé contre le dérèglement climatique où ces quatre intervenantes partagent leur expérience et leur conscience des risques qui pèsent sur l’humanité. Ensemble, elles dressent le constat du combat, depuis les années 1960 au premier rapport du Club de Rome et jusqu’aux grèves étudiantes de 2019. 

Au fil des échanges, elles s’interrogent sur les concepts de croissance, de transition juste, de gouvernance et sur la responsabilisation de chacun. 

Mais les combats d’Esmeralda ne s’arrêtent pas là ! Tout récemment encore, elle a osé plaider pour le retrait des statues de Léopold II, son arrière grand-oncle. Dans une carte blanche publiée dans le magazine The Brussels Times, elle estime que la Belgique devrait présenter ses excuses pour son passé colonial et réécrire ses livres d’histoire. 

La matinée suffira-t-elle pour interroger cette princesse qui sait naviguer en bordure comme au centre du fleuve de l’actualité avec, toujours, une attention aux plus délaissés ? 


COMPTE-RENDU

Esméralda de Belgique, une princesse militante

Pour le dernier Samedi de cette saison, qui avait pour thème « Chœur et Parvis », le Prieuré recevait Esméralda de Belgique, une princesse qui est au centre des combats sociétaux les plus urgents de notre époque, tout en restant soucieuse des personnes qui se trouvent à la périphérie du système.
 

Esméralda est la sixième et dernière enfant du roi Léopold III. Sa maman Lilian Baels, princesse de Réthy, lui a donné le jour en 1956 au château de Laeken. La princesse raconte qu'elle a été choyée par ses grands frères et sœurs qui s’occupaient d’elle constamment. Albert, le futur roi, est son parrain. Elle n’ira jamais à l’école, ses parents ayant fait le choix de lui donner des précepteurs. Ils furent excellents et Léopold III lui donna, lui-même, les cours de mathématiques. Ce choix lui a permis d’accompagner ses parents dans leurs voyages et lui a donné le goût du monde. L’inconvénient est qu’elle n’a pas pu partager la vie des enfants de son âge. Aussi, elle décidera de mettre ses propres enfants à l’école dès que possible. 

À quatre ans, la famille déménage dans le magnifique domaine d’Argenteuil, niché au cœur de la nature. Avec son père, qui a le temps désormais de s’occuper d’elle, puisqu’il n’est plus en responsabilité du pays, elle partage une grande connivence, le même goût pour la botanique, la biodiversité et les cultures indigènes, notamment amazoniennes.

Même si ses relations avec sa maman, la princesse de Réthy, n’ont pas toujours été évidentes, notamment à l’adolescence, elle l’admire pour ses engagements en faveur des sciences biomédicales. Elle a écrit un livre sur elle[1], pour contrecarrer l’étiquette négative qui lui a collé à la peau, et faire savoir combien elle était une femme moderne et d’avant-garde, très complice d’ailleurs avec la reine Élisabeth.

Journaliste

Tentée par le métier de comédienne, elle se tourne finalement vers les études de droit avec l’idée d’étudier ensuite le journalisme. Son père la soutient : « C’est le plus beau métier du monde, si on le fait avec honnêteté », lui dit-il. Pour un homme qui a été si maltraité par la presse, c’est un bel hommage à la profession. C’est dans le département de COMU, où travaille déjà Gabriel Ringlet comme assistant du professeur Ugeux, qu’elle atterrit. C’est Gabriel qui dirigera d’ailleurs son mémoire.

Après un stage à La Libre Belgique, elle se lance pleinement dans le journalisme à Paris, où elle séjournera durant 16 ans. Elle s’occupe principalement de politique internationale et se souvient avec émotion de sa rencontre avec Naïm Khader, premier représentant de l’OLP auprès des autorités belges et européennes, « un homme lumineux » confie-t-elle.

C’est en Belgique toutefois qu’elle rencontre Salvador Moncada, un scientifique britannique d'origine hondurienne. Elle l’épouse en 1998 et le suit à Londres. Elle a deux enfants avec lui. Leur fille aînée étudie la médecine à Londres et leur fils les sciences politiques à New-York. Après une brillante carrière scientifique, son mari vient d’être nommé ambassadeur en Chine pour le Honduras. C’est une nouvelle vie qui commence, à l’âge de la retraite.

C’est tout le système qu’il faut changer !

Son combat pour le respect de la biodiversité et contre le réchauffement climatique la rend aussi très sensible aux inégalités sociales, de plus en plus criantes. On ne peut pas mener ces combats en donnant l’impression de faire la leçon à ceux qui n’ont pas les moyens de se payer de la nourriture bio, ni de se permettre un changement radical de mode de vie. La transition verte doit se faire avec justice et ne laisser personne sur le carreau. Des initiatives existent déjà, mais il faut les multiplier et les faire connaître du grand public. En 2021, elle s’associe avec Sandrine Dixson-Declève, Adélaïde Charlier et Anuna De Wever pour écrire Quel monde pour demain ? un livre engagé contre le dérèglement climatique, où ces quatre intervenantes partagent leur expérience et leur conscience des risques qui pèsent sur l'humanité. Aujourd’hui, elle travaille à la réalisation d’un film qui mettra certaines initiatives positives en évidence.

Elle se réjouit que la Belgique ait inscrit récemment le crime d’écocide au code pénal. Aujourd’hui, les grandes multinationales qui gèrent les énergies fossiles polluent et payent les amendes, ça ne les dérange pas. Mais le crime d’écocide pourrait désormais envoyer les dirigeants de ces entreprises en prison. Cela pourrait constituer un frein à leurs activités polluantes.

Le capitalisme en crise

Il faut beaucoup d’argent pour changer le système, mais elle constate que quand on en a besoin, pour lutter contre le Covid ou construire des armes, on en trouve toujours.

Le capitalisme est aujourd’hui en crise profonde et il faut une nouvelle révolution qui mette le bien-être et le bonheur des gens au centre des préoccupations. Quant à la croissance, il est difficile de dire qu’il faut l’arrêter. Ce qu’il faut accroître, c’est l’éducation, la culture, la santé et aider les pays en développement à diriger aussi leur croissance vers ces domaines-là.

Avec sa fille, elle a escaladé le Kilimandjaro pour récolter des fonds et soutenir une œuvre menée par une femme en RDC, qui a eu la polio très jeune et que son père a abandonnée parce qu’il ne pourrait jamais la marier. Sa mère a considéré que sa seule chance était d’aller à l’école. Elle l’a portée sur son dos chaque matin. Ensuite, la jeune fille a étudié à l’université et est devenue la meilleure porte-parole de l’éducation. C’est dans l’exemple d’hommes et de femmes exceptionnelles comme elle, que la princesse puise son souffle et son énergie pour mener ses combats.

Sur le parvis de ses combats

On doit se rendre compte qu’on dépend tous du vivant et qu’on ne peut pas traiter la nature en dominateur. Pour mener à bien ses combats, Esméralda a rejoint des mouvements qui prônent la désobéissance civile. Elle constate en effet que tous les grands changements sociaux ont été obtenus sous la pression populaire. Il ne faut pas cesser de s’indigner et de protester.

Elle combat aussi pour la cause des femmes. On pense trop souvent que tout est acquis chez nous, mais ce n’est pas vrai. La violence à leur égard est en recrudescence. En décembre 2013, elle a participé à une pièce de théâtre à Bruxelles intitulée Blessées à mort, de l'auteure italienne Serena Dandini sur le thème du féminicide. Esméralda est persuadée que toutes les formes d’art peuvent servir à faire entendre au plus grand nombre des messages forts, bien plus que des prises de parole à une tribune.

Par ailleurs, il n’y a toujours pas d’égalité salariale entre hommes et femmes. Elle constate aussi que certains métiers sont encore aux mains des hommes et elle combat ces préjugés. Elle veut promouvoir auprès des femmes les carrières scientifiques de pointe, en physique et chimie notamment, ou bien dans l’intelligence artificielle. Elle écrit d’ailleurs en 2014 : Femmes prix Nobel de la paix, aux éditions Avant-propos.

La fille de son père

À la suite de son père, elle reprend son combat pour la protection des tribus indigènes. Léopold III avait passé de nombreux mois en Amazonie, à partager leur mode de vie. Il s’était rendu compte de leur richesse, de leur spiritualité et de la façon dont il respectait la nature. Aujourd’hui, les terres qui sont confiées aux indigènes ont d’excellents résultats en ce qui concerne le respect de la biodiversité. Leurs connaissances des plantes et leur pharmacopée intéressent de plus en plus la médecine moderne, mais il faut continuer à les aider.

Son engagement pour la paix la rend particulièrement sensible aux discours qui, aujourd’hui, n’écartent plus l’hypothèse d’un recours à l’arme nucléaire. Cela lui fait peur. La guerre en Ukraine a fait des centaines de milliers de morts des deux côtés, « Il faut à présent, dit-elle, arrêter d’urgence cette guerre. Et négocier la paix, cela se fait avec son ennemi, pas avec ses alliés. »

Si on l’interroge sur la monarchie, elle constate qu’en Belgique, elle évolue dans le bon sens. Elle pense que les statues de Léopold II n’ont plus leur place dans l’espace public, mais bien dans un musée, où l’on pourra recontextualiser ce qu’il a fait dans le cadre de la colonisation, ce dont, d’ailleurs, aucun pays occidental n’a à s’enorgueillir.

Elle a pris aussi le parti de la princesse Delphine et se réjouit de l’issue de l’affaire. Cela redonne de l’espoir à tous les enfants qui cherchent à se faire reconnaître par leur père.

Enfin, l’urgence absolue pour elle, c’est de retrouver le respect et l’amour de la nature et de nous tous. Aujourd’hui, les gens n’arrivent plus à se parler avec respect, tout est polarisé. La crise climatique va générer de plus en plus de conflits et de tensions sociales. Il faut donc sauver le vivant, parce qu’en menaçant les autres espèces, c’est la nôtre aussi que nous menaçons.

Jean Bauwin

[1] Esméralda de Belgique et Patrick Weber, Lilian, une princesse entre ombres et lumières, Racine Lannoo, 2012.

***

ÉVOCATION

Nous voudrions te rendre grâce Seigneur de nous avoir permis de rencontrer aujourd’hui une grande dame, la princesse Esméralda de Belgique.

Avec votre père, le roi Léopold III, avec qui vous aviez une grande connivence, vous avez eu, Madame, la chance d’avoir cette ouverture sur le monde.
Avec lui, ce monde, vous avez appris à le connaître, l’aimer.
Vous avez été sensibilisée, avec lui, au sort des populations autochtones et vous en avez toujours eu le souci et le plus profond respect. 
Vous les voyez menacées et vous faites tout ce que vous pouvez pour les protéger. 
Ce monde, vous le connaissez, vous l’aimez, vous voyez sa beauté, mais aussi ses faiblesses, ses blessures, le dérèglement climatique, la déforestation amazonienne. 
Mais aussi surtout la situation des plus faibles, des plus démunis, des laissés pour compte sur le bord du chemin par une société qui ne pense qu’au rendement.

Il faut changer le système, dites-vous, 
Retrouver cet amour des gens et de la nature.
Nous dépendons des vivants, faisons partie de la nature.
Mais il nous faut faire cette transition verte avec beaucoup de justice, revenir vers les choses indispensables; santé, culture, bien-être, revenir vers une autre forme de croissance centrée sur ces valeurs.

Et puis, il y a cette urgence de la paix qui vous tient tant à cœur. Il nous faut absolument ouvrir les yeux, dites-vous, sur les dangers que nous connaissons actuellement, nous mettre autour d’une table et nous parler.

Et puis, il y a la situation des femmes qui vous passionne, avec ce que cela sous-entend d’inégalités, mais surtout de blessures faites à leurs dignités. Alors que ce sont elles, qui sont là après les guerres, les conflits pour réparer les dommages, remettre les gens debout. En outre, elles ont un rôle si important à jouer dans la vie sociale et professionnelle.

En gardant les yeux bien ouverts sur ces réalités et en faisant tout ce qui est en votre pouvoir pour rendre ce monde moins dur, un peu meilleur, où il fera bon vivre pour nos enfants, l’Évangile vous le vivez au quotidien.
Tout ce que vous ferez aux plus petits d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites, dit le Seigneur. 

Alors pour ce que vous êtes, tout ce que vous avez réalisé et que vous faites encore chaque jour, nous vous disons, Madame, un tout grand merci et nous te rendons grâce Seigneur pour cette heureuse rencontre.

Freddy Coosmans

 

L'urgence de la paix.

Il n'y a pas assez de femmes sur les statues.

Les visions très complémentaires
de la femme et de l'homme.


Lien vers la vidéo :

 

Interview : Gabriel Ringlet 
Compte-rendu : Jean Bauwin 
Évocation : Freddy Coosmans 
      Illustrations : Patrick Verhaegen (Pavé) 
http://www.pavesurle.net/ 
Animation musicale : Les Muses 
Photos : Chantal Vervloedt-Borlée et 
Patrick Verhaegen 
(25/05/2024) 

 

 


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